Durant le Nouvel An lunaire, comment les expatriés asiatiques célèbrent la plus grande fête d’Asie de l’Est et du Sud-Est ? Que préparent-ils ?
« Le Têt [Nom du Nouvel An lunaire au Vietnam, NDLR] est très important, car c’est l’équivalent de Noël en France. Au pays, nous retrouvons toute notre famille pendant plusieurs jours, explique Thuan Nguyen, Vietnamien diplômé en communication et marketing à Paris. C’est un moment pour se réunir, prendre des nouvelles. Nous, les étudiants en France, nous n’avons pas notre famille, alors la célébration avec nos amis est la seule manière de retrouver cette ambiance festive propre au Nouvel An. »
Cette volonté de célébrer, Thuan Nguyen n’est pas le seul à la partager parmi la communauté des étudiants asiatiques venus se former à l’étranger. Tous évoquent des raisons familiales, un besoin de renouer avec leur culture d’origine, et parfois une simple habitude ancrée dans leur vie qui va de soi.
Cependant, le Nouvel An lunaire tombe généralement en période scolaire dans l’Hexagone (et parfois même en période d’examens) alors qu’en Asie, quelques jours de congés sont accordés. « Si c’est possible, nous fêtons le Nouvel An le jour-même en France, déclare Kunqi Wang, étudiante chinoise en Économie-Gestion à Rennes, mais il tombe souvent pendant des jours où nous avons cours, alors nous le célébrons le week-end qui suit avec les amis. »
« La célébration avec nos amis est la seule manière de retrouver cette ambiance festive propre au Nouvel An », Thuan Nguyen, étudiant vietnamien.
À la maison ou au restaurant, mais toujours autour d’une table.
Ces amis, les étudiants originaires d’Asie les rencontrent généralement dans leurs écoles, leurs lieux d’hébergement, via des associations ou grâce aux réseaux sociaux. À cet égard, certains étudiants chinois utilisent ainsi l’application WeChat pour se sociabiliser lors de leur arrivée en France, notamment en recherchant des amis de leur origine dans leur ville d’étude, parmi les 30 000 étudiants venus de l’empire du Milieu inscrits en France (selon le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en 2018).
La communauté qui se crée autour d’eux, souvent composée d’étudiants de même nationalité, forme une seconde famille avec laquelle ils célèbrent le passage à la nouvelle année. Bien souvent, ils se réunissent chez l’un des membres du groupe pour cuisiner des plats traditionnels, comme ils le feraient dans leur pays d’origine.
« Je me souviens d’une fois où nous nous sommes réunis et où nous avons préparé des plats tels que le thịt kho (viande au caramel) ou des gâteaux traditionnels tel que le bánh chưng (gâteau de riz gluant) ou encore des nems », explique Thuan Nguyen.
Même discours pour Na Gyeong Kim, interprète coréenne, aujourd’hui installée à Paris, qui avait préparé du tteokguk (soupe traditionnelle coréenne avec du riz), des japchae (nouilles sautées avec des légumes) ou encore du galbi (plat de viande grillée) lorsqu’elle a fêté le Nouvel An avec des amis non Coréens en France. Les étudiants chinois sont quant à eux plus friands de raviolis ou de poissons. Au terme des préparations, tous les plats sont disposés sur une table centrale où chacun se sert.
« Je fête le Nouvel An avec tous les amis internationaux que j’ai rencontrés dans ma résidence étudiante. C’est une manière de leur faire partager ma culture puisque personne du groupe n’est vietnamien », Vu Hung Nguyen, doctorant vietnamien.
Ces festins faits maison ne sont néanmoins pas toujours faciles à organiser. Lorsque les appartements sont trop petits, comme c’est souvent le cas dans la capitale, les étudiants optent pour un restaurant, souvent dans le 13e arrondissement. Ils y dégustent généralement un hot pot (fondue chinoise). Bien que le plat ne soit pas typique de la fête, il a le mérite d’être simple et convivial.
Célébrations du Nouvel An lunaire. Illustration : Chloé Hueber.
Distribution d’enveloppes (numériques)
Autour du repas, des éléments du folklore traditionnel se retrouvent également dans les comportements des étudiants : « Nous avions même décoré l’appartement avec des lanternes rouges et nous écoutions de la musique vietnamienne pendant la préparation. C’était très joyeux » se souvient Thuan Nguyen. Chansons traditionnelles, décorations, sont ainsi de la partie, tout comme les iconiques enveloppes rouges. En Asie, ces dernières sont distribuées par les aînés aux plus jeunes de la famille pour leur porter chance. Elles contiennent généralement une certaine somme d’argent.
Une tradition que Vu Hung Nguyen, doctorant vietnamien vivant à Paris reproduit : « Je fête le Nouvel An avec tous les amis internationaux que j’ai rencontrés dans ma résidence étudiante. Je leur donne des enveloppes rouges avec un euro, pour la symbolique. C’est une manière de leur faire partager ma culture puisque personne du groupe n’est vietnamien. »
Parallèlement, une version 2.0 de l’enveloppe a vu le jour : le virement d’argent via WeChat par les étudiants chinois. Ils reproduisent également le rendez-vous incontournable du Nouvel An : regarder l’émission de CCTV toute la soirée. « En Chine, tout le monde regarde le gala "La fête du printemps" diffusé à la télévision, confie Kunqi Wang. C’est un réel rendez-vous puisque toute la famille dîne devant l’émission qui s’achève peu après minuit. Comme elle est disponible sur Youtube, je la regarde également en France. »
À ce moment de l’année, les étudiants participent bien souvent à des manifestations culturelles et associatives, à l’instar du spectacle de la parade du dragon organisée dans plusieurs arrondissements parisiens.
Dans d’autres villes, des associations telles que l’Institut Confucius de Bretagne, dont le siège se trouve à Rennes, ou celui des Pays de la Loire, à Angers, organisent une fête et convient les étudiants étrangers à la célébration.
L’Union générale des Vietnamiens de France s’approprie également le Têt, avec une grande soirée destinée à la communauté vietnamienne de la région. Les étudiants vietnamiens peuvent y participer et même aider à l’organisation de la fête. Une autre manière de rester connecté à ses racines.
Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 9, janvier-février 2019.