Immigrés d’Asie de l’Est et du Sud-Est, ils perpétuent rites bouddhistes, chrétiens et musulmans en France. Plongée au cœur de leurs croyances.
Ils vénèrent aussi bien le Bouddha que le Christ ou Allah. En arrivant en France, les immigrés originaires d’Asie de l’Est et du Sud-Est ont importé avec eux des croyances et des rites très variés, qu’ils font vivre dans de nombreux temples, pagodes et églises, à l’occasion de fêtes religieuses ou encore dans l’intimité du cadre familial. Survol des principales religions pratiquées par ces communautés.
Protestantisme
Très présent en Asie de l’Est, en particulier en Corée et en Chine, le protestantisme est l’une des principales branches du christianisme, et regroupe de nombreux courants issus de la Réforme qui rejettent l’autorité du Pape.
En émigrant en France, les croyants coréens et chinois ont donné naissance à des dizaines d’églises, notamment évangéliques (accordant une grande importance à la conversion individuelle à la suite de la « rencontre avec le Christ »).
Si des Chinois de toutes origines pratiquent cette religion, une grande partie d’entre eux est originaire de Wenzhou, ville située au sud de Shanghai parfois surnommée « le Jérusalem de la Chine ». Cette population est à l’origine de plusieurs églises du Nord-Est parisien, auxquelles s’ajoutent celles du 13e arrondissement, fréquentées par des protestants chinois issus de l’Asie du Sud-Est. Religion tournée vers la jeunesse, elle attire toujours de nombreux étudiants récemment venus de l’empire du Milieu.
Par ailleurs, le protestantisme est également pratiqué en France par les communautés vietnamienne, cambodgienne, coréenne ou encore hmong, qui disposent toutes de leur propre réseau d’églises. Avec parfois une place de premier choix : l’une des églises coréennes de Paris, d’étiquette baptiste, occupe la chapelle Taitbout, haut lieu du Réveil protestant parisien au 19e siècle.
Catholicisme
Religion majoritaire aux Philippines et au Timor-Oriental, également présente en Corée, au Vietnam et en Chine, le catholicisme venu d’Asie se perpétue en France à travers ses différentes communautés.
On trouve notamment en Île-de-France des missions catholiques chinoise, vietnamienne et philippine — nées de la volonté de l’Église catholique d’assurer le suivi pastoral des croyants installés en dehors de leur pays d’origine —, ainsi que des aumôneries coréenne, japonaise et cambodgienne.
Cette dernière observe aussi bien les fêtes catholiques que les célébrations khmères, telles que Pchum Ben (mémoire des ancêtres) et le Nouvel An, qui a lieu mi-avril.
Bien souvent, ces communautés ont conservé des spécificités locales dans leur pratique religieuse, à commencer par la langue utilisée lors de la messe. À Paris, la communauté philippine se réunit à la chapelle Sainte-Bernadette de l’Église Notre-Dame-d’Auteuil, où un prêtre donne la messe en langue philippine. « J’ai l’impression que les Philippins sont, de manière générale, plus pratiquants que les Français, témoigne Germilina Dubot, de l’Association d’Amitié Franco-Philippine. Nous, nous respectons le carême, nous veillons la nuit avant la naissance de Jésus, et chaque été des groupes de Philippins se rendent à Lourdes, à La Salette et à Fátima au Portugal en pèlerinage... »
Autre particularité : l’importance accordée à la Vierge Marie (par rapport à Jésus), très prégnante dans la culture chrétienne philippine.
Quant aux catholiques chinois, ils incorporent parfois des éléments de croyances populaires dans leurs rites. Ainsi l’Église Saint-Hippolyte du 13e arrondissement de Paris adopte, depuis la fin des années 1980, une liturgie pour honorer les ancêtres. À la fin de la messe, décrit l’anthropologue Anne Raulin dans un article, les croyants placent un bâtonnet d’encens devant l’autel des ancêtres, et le prêtre leur donne une mandarine (porte-bonheur) et une enveloppe rouge remplie non pas d’argent, mais d’un verset biblique.
Islam
Si l’Islam s’est largement diffusé sur le continent asiatique, notamment en Indonésie et en Malaisie, où il est majoritaire, la présence de communautés musulmanes venues d’Asie est relativement discrète dans l’Hexagone.
« Les hommes de la communauté indonésienne musulmane (de la branche sunnite) se réunissent tous les vendredis dans une salle de prière à l’ambassade d’Indonésie et se rendent parfois dans d’autres mosquées, mais nous n’avons pas notre mosquée à nous », explique ainsi M. Rudjimin, président de l’Association indonésienne de la société islamique.
Quant aux femmes, « elles se retrouvent à la maison pour prier et discuter de certaines thématiques en présence d’un ouléma (théologien), et se rendent à la mosquée », précise une membre de la communauté musulmane indonésienne à Paris.
À cela s’ajoutent les minorités ethniques, notamment celles venues de Chine, dont la communauté ouïghoure de la région autonome du Xinjiang, où une partie d’entre elle est détenue dans des « camps de rééducation ». « Il n’y a pas de mosquées spécifiquement rattachées à ces minorités : elles se rendent par exemple à la Grande Mosquée de Paris », révèle un étudiant de l’EHESS qui travaille sur une communauté d’une quinzaine de femmes musulmanes de l’ethnie Hui installées à Paris.
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D’autres religions sont pratiquées dans des proportions moindres, comme le judaïsme — en Chine, la communauté juive compte quelques centaines de membres —, le shintoïsme, culte japonais millénaire attirant dans l’Hexagone principalement des Français pas forcément originaires d'Asie, et des mouvements religieux syncrétiques, interdits en Chine et parfois considérés comme des sectes, tels que le Yiguandao et le Falun Gong.
Article publié dans le numéro 16 de Koï, spécial religion.