Ning Li : L’entrepreneur qui révolutionne la cosmétique avec Typology

Par Julie Hamaïde
Photo de Sophie Palmier

À 16 ans, Ning Li quitte la Chine pour la France. Aujourd’hui, il révolutionne design et cosmétique avec Made.com et Typology, des succès mondiaux.

Pour le lancement de la marque Typology en 2019, nous avez réussi une levée de fonds à dix millions d’euros pour un site de vente de produits cosmétiques. Comment avez-vous fait ?
La levée de fonds a été réalisée en 2018. Cela s’est fait principalement autour d’entrepreneurs comme Marc Simoncini [fondateur de Meetic, NDLR], Xavier Niel [fondateur de Free] et Brent Hoberman [cofondateur de Lastminute.com], des entrepreneurs « tech » qui partagent la même vision et les mêmes valeurs que moi. Ce sont des gens avec qui j’avais déjà été associé. Et un fonds français, Alven, s’est joint au projet aussi. Le financement sert surtout à prouver le concept, sachant que nous sommes sur un secteur où nous vendons du soin en ligne, sans présence physique. A l'époque c'était spécial, tout le monde n'était pas encore réceptif à cela. Beaucoup de nos employés sont dédiés à la formulation des produits, avec des concentrations d’actifs naturels. Je suis asiatique donc je crois beaucoup aux produits naturels. Allier le naturel et la science permet de créer des produits à la fois efficaces et dans l’air du temps.

 

« Je suis asiatique donc je crois beaucoup aux produits naturels. Allier le naturel et la science permet de créer des produits efficaces et dans l’air du temps. » 

 

Sur vos bios Linkedin ou Instagram, vous vous définissez tout d’abord comme un « entrepreneur ». Après Made.com et avant de vous lancer dans la cosmétique, étiez-vous à l’affût de trouver la bonne idée ?
J’ai écrit que je suis entrepreneur car c’est la seule chose que je fais depuis que je suis diplômé ! Ma première expérience était un site de vente flash, la deuxième Made.com et maintenant Typology. Je suis un entrepreneur car j’aime créer et construire. Après, il faut saisir les opportunités et tenter. Tant qu’on ne tente pas, on ne sait pas.

Au cours de votre carrière, vous avez tout arrêté et vous êtes parti pendant un an. Pourquoi cette pause ?
Lorsque je suis sorti de ma première entreprise, qui s’appelle MyFab, je suis parti voyager car à mon arrivée en France, à seize ans, j’avais peu de moyens. Mes copains partaient au Mexique, revenaient bronzés... Moi lorsque j’avais des vacances, je partais en Chine pour voir mes parents, ça n’était pas l’éclate ! [Rires] Pour la première fois, je n’avais plus de boulot, un peu d’argent et j’ai pu voyager et rattraper ce que je ne pouvais pas faire avant car en général, pendant mes vacances estudiantines, je ne partais pas, je restais travailler dans une pâtisserie chinoise. Je recommande d’ailleurs très vivement la Pâtisserie de Choisy* ! J’ai habité avec la famille qui tient cette pâtisserie pendant trois ans, c’est devenu ma famille, et j’ai travaillé pour eux en échange.

 

Ning Li, entrepreneur et fondateur de la marque Typologie.

 

C’est fou de vous imaginer dans cette petite pâtisserie familiale, qui a une dimension très locale dans le treizième arrondissement de Paris, lorsqu’on connaît ensuite la réussite de Made.com ou Typology.
C’est grâce à cette famille que j’ai pu faire ce que j’ai fait ici, elle m’a donné la possibilité de m’intégrer, m’a logé et nourri pendant plusieurs années, alors qu’elle ne me connaissait pas plus que ça. Les liens se sont construits. Ce sont des gens qui m’ont appris l’éthique du travail. Dans la pâtisserie, on se lève très tôt, on travaille toute la journée et le weekend il faut livrer les gâteaux de mariage ! Ce sont de longues journées et le lendemain, à 6 heures, rebelote !

 

« Je viens d’une famille vraiment modeste du sud de la Chine. En arrivent ici ça a été difficile car la France n’est pas forcément un pays facile à intégrer. »

 

Quelle relation entretenez-vous avec vos parents ?
Je suis de Foshan, dans la région de Canton, où les gens partent beaucoup à l’étranger. Au début, à seize ans, je ne parlais pas un seul mot de français et ça a été difficile car la France n’est pas forcément un pays facile à intégrer. Les premières années ont été très formatrices et j’ai eu la chance de rencontrer des personnes très accueillantes. Mes parents n’étaient pas ravis de me voir partir mais ils savaient que c’était bien pour un garçon de seize ans de découvrir un peu le monde. Lorsque j’ai dit à mes parents que j’allais monter une entreprise, et que ça ne paye pas au début, ils n’ont pas compris. Je viens d’une famille vraiment modeste du sud de la Chine où mes parents étaient fonctionnaires. Je suis leur fils unique et je pense qu’ils sont ravis maintenant, mais il faudrait leur poser la question directement.

Êtes-vous fier de votre parcours ?
Je ne réfléchis pas forcément à cela. Je pense que je n’ai pas de regret, même si j’ai fait plein de conneries. C’est bien de les avoir faites, car cela m’a permis d’apprendre plus vite. Ensuite, concernant la réussite, je pense que c’est une notion assez relative. Est-ce le nombre de personnes que vous employez ? Le chiffre d’affaire ? Le profit ? Je ne me lève pas tous les jours en me disant que je suis fier de ce que j’ai fait, par contre je suis fier des produits que je vends. Je les vends parce que je les aime, parce que nous les avons construits avec passion et que nous les consommons nous-mêmes. 

Quel conseil donneriez-vous à nos lecteurs pour lesquels vous êtes un modèle de réussite ?
Je pense que le plus important est de se lancer et que la communauté asiatique est une communauté d’entrepreneurs. Lorsqu’on se balade dans le Treizième, il n’y a que des entrepreneurs : les boutiques, les restaurants… Ce sont des personnes qui sont à leur compte, pas toujours par choix. Arrivés en France, certains ne parlaient pas français, n’ont pas eu la chance de recevoir une éducation. Ils ont créé des emplois, une économie, avec leurs deux mains. Désormais, la nouvelle génération, qui a eu plus d’opportunité, qui a fait des études, s’est créé un réseau, doit faire un choix entre ce qu’ont construit les parents et le reste. Je trouve qu’en France, contrairement aux États-Unis où la communauté asiatiques est plus active dans l’entreprenariat, on pourrait oser un peu plus. C’est paradoxal car ces personnes issues de la deuxième génération ont souvent le commerce dans le sang. Tout le monde a peur de l’échec, il ne fait plaisir à personne. Les Cantonais, même en Chine, sont connus pour construire beaucoup de commerces. Lorsqu’ils sont dans un milieu étranger, je pense qu’ils pourraient oser plus car ils ont plus de chance et de raisons d’entreprendre que la première génération.

*Pâtisserie de Choisy, 62 avenue de Choisy, 75013 Paris.


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