À coup d’humour et de talent, une poignée de youtubeurs français d'origines asiatiques s’est fait un nom sur la célèbre plateforme rouge et blanche. Aujourd'hui suivis par des centaines de milliers d’abonnés, ils nous racontent leurs parcours et leurs ambitions pour l’avenir, sur YouTube ou ailleurs.
[Texte : Sophie Kloetzli — Photos : Cyril Zannettacci]
Will Soleil (490 k abonnés)
Parcours : Formé en école de commerce à Bordeaux, où il a aussi suivi une formation d’ingénieur du son, Will Soleil (de son vrai nom William Sun) joue sur tous les terrains de l’audiovisuel ou presque : photographe épris d’ambiances nocturnes et de néons, DJ-producteur-compositeur bercé par la culture disco underground et enfin vidéaste. C’est en 2016 qu’il se lance sur YouTube sur les conseils de son ami Jigmé (youtubeur cumulant aujourd’hui plus de 2 millions d’abonnés), avec lequel il avait travaillé auparavant pour Apple. Autodidacte, il avance avant tout « à l’instinct », sans se précipiter. « J’aime prendre mon temps et surtout ne pas me prendre la tête. Je ne fais pas ou plus cette course acharnée aux abonnés et à la visibilité : je vais plutôt chercher à proposer quelque chose, explique l’artiste trentenaire d’origine chinoise, souriant et détendu. En ce moment, je ralentis le rythme et réfléchis à un nouveau format régulier pour ma chaîne. J’ai toujours envie de faire du divertissement mais aussi que les jeunes qui me suivent apprennent des choses. En tant que youtubeur, j’ai l’impression d’avoir cette responsabilité-là. »
Sujets de prédilection : « Le royaume des guignols ! » écrit-il dans sa bio sur YouTube. Le ton est donné : qu’il s’agisse de passer le permis de conduire, de manga, de l’iPhone 9 ou du Nouvel An lunaire, le youtubeur trouve le moyen de rire de tout ou presque.
Sa vidéo la plus populaire : « Jigmé-Will » (3 millions de vues), où il répond à ses abonnés qui lui posent des questions sur Jigmé et dévoile des anecdotes à propos de leur amitié.
Et dans 5 ans ? Ouvert à tout, Will Soleil confie « prendre du recul sur YouTube » et avoir « songé à passer des castings. Pourquoi ne pas prendre des cours de théâtre, je suis très curieux ». En parallèle, il sortira aussi un nouveau disque à la rentrée (dans la veine soul-funk-disco) et souhaiterait exposer sa série de photos nocturnes à Tokyo dans une galerie bordelaise.
Louis-San (689 k abonnés)
Parcours : Né d’une mère japonaise et d’un père français, Louis Zenjas lance sa chaîne YouTube pendant ses études d’ingénieur à Brest, qu’il a terminées il y a un an. « Sur la f in, c’était très dur de concilier les deux », confie-t-il en précisant avoir eu envie de se lancer en regardant les vidéos du Rire Jaune, dont il est très fan. Depuis, ce youtubeur hyperactif — il poste aujourd’hui un contenu par semaine — se consacre pleinement à ses vidéos, qu’il a très vite orientées vers le Japon. « Je suis passé de 22 000 à 80 000 abonnés avec une vidéo il y a trois ans où je m’exprimais en japonais à propos des Français vus par un Japonais, raconte le vidéaste de vingt-quatre ans avec la même énergie contagieuse que dans ses vidéos. Ce qui me fait le plus kiffer, c’est la créativité, comme dans la vidéo où je suis un chef sushi au Japon pendant une journée, et où j’apparais finalement peu à l’image. » En plus de sa chaîne principale (Louis-San), il poste aussi régulièrement des vidéos sur ses deux autres chaînes : Tev & Louis (également consacrée au Japon) et Louis (où il parle de tout sauf du Japon). Un boulot à plein temps qui l’a amené à s’entourer de monteurs pour tenir la cadence.
Sujets de prédilection : De la téléréalité nippone au tatouage en passant par le racisme et le harcèlement sexuel dans le métro, Louis-San balaie de nombreux sujets de société, toujours bien documentés et souvent drôles, sur le Japon. Il s’y rend d’ailleurs régulièrement, que ce soit pour partir à la rencontre des geishas ou tester les fast-food de Tokyo.
Sa vidéo la plus populaire : Un clip de K-pop (1,6 millions de vues) où il dévoile ses talents de chanteur dans une mise en scène travaillée. « Je suis content que ce soit celle-là, c’était un gros projet où j’ai dû gérer dix personnes ! » révèle-t-il.
Et dans 5 ans ? Peu attiré par le milieu du cinéma et de la télévision, il croit plutôt à terme « à des petites séries sur Netflix » ou une autre plateforme de vidéos qui se créerait, et où il pourrait poster des contenus plus travaillés avec davantage de liberté. « J’ai un format horreur [dans lequel il raconte des faits divers et légendes urbaines sordides au Japon, NDLR] qui marche bien, mais ces vidéos sont souvent démonétisées sur YouTube », explique-t-il.
Florian Nguyen (648 k abonnés)
Parcours : Initié très tôt aux arts martiaux, Florian Nguyen inaugure sa chaîne YouTube en 2010 avec une vidéo de ses prouesses acrobatiques, alors qu’il est encore lycéen. Après avoir envisagé pendant un temps de devenir cascadeur, il commence à publier des sketchs « à la Norman et Cyprien », qui décollaient justement à ce moment-là. « Au début, c’était pour rigoler et faire marrer les potes », précise le vidéaste de vingt-huit ans, plus réservé dans la vraie vie que derrière la caméra. À dix-huit ans, il passe deux mois au Vietnam chez des membres de sa famille (son père est vietnamien), où il tourne dans un clip et s’essaie au mannequinat au sein de l’agence Elite, sans grand enthousiasme. De retour en France, il se donne un an pour tenter sa chance sur YouTube. Pari gagné : très vite, les partenariats avec les marques arrivent et le nombre d’abonnés s’envole. Lui qui a tout appris sur le tas continue aujourd’hui à écrire, tourner et monter lui-même ses vidéos. Cependant, il ralentit le rythme, en partie pour se consacrer à sa chaîne Twitch (le Talk Flow) qu’il a lancée au début du confinement.
Sujets de prédilection : « Les Voisins », « La Flemme », « Les Filles »... Dans ses sketchs, Florian Nguyen se met en scène pour aborder avec humour des sujets de la vie quotidienne. Il en profite parfois pour tourner en dérision les clichés sur les Asiatiques, comme dans la vidéo consacrée à son père. Globetrotteur, il emmène souvent ses abonnés en voyage, de la Californie à l’Indonésie.
Sa vidéo la plus populaire : « Draw my life (ma vie en dessin) » (2,7 millions de vues), l’histoire de sa vie, où il formule son ambition de toujours : décrocher un rôle sur grand écran.
Et dans 5 ans ? Il espère réaliser son rêve, bien sûr. « J’adore jouer. La partie écriture, tournage et montage, ça me soûle un peu... Cette année, je devais commencer à passer des castings, dévoile-t-il. J’aimerais bien tourner dans un film d’action. Je sais que Netflix commence à faire des films en France et cette plateforme aurait les moyens de faire ce genre de films contrairement au cinéma français qui produit majoritairement des comédies. »
Cet article est paru dans Koï #18, disponible en ligne.