50 ans après le génocide : le Cambodge de Sophie Trem

Par Pandou Media

Créatrice infatigable, Sophie Trem évoque son lien intime et spirituel avec le Cambodge, 50 ans après le génocide qui a marqué sa famille.

Sophie Trem est créatrice de contenus et fondatrice du blog The Other Art of Living, un espace dédié à l’art de vivre avec joie. Elle est connue pour son énergie positive et ses projets inspirants comme la Good Mood Class qu’elle décline en livre en 2020. D’origines cambodgienne et chinoise, elle publie également en 2025 Les 12 Fabuleux, un conte initiatique et poétique, inspiré de la légende des douze signes du zodiaque chinois.

À l’occasion des 50 ans de l’entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh, elle nous parle de son rapport au Cambodge. 

« Mon père et ma mère étaient venus en France dans les années 1970 pour faire leurs études et malheureusement, comme beaucoup de gens, n’ont pas pu retourner au Cambodge. Le pays était complètement fermé, pendant 5 ans ils n’ont eu de nouvelles de personne. Puis ils ont commencé à y retourner et à ramener leur famille petit à petit en France dans les années 1980. 

Mon plat préféré est le « Samlor Ktiss » : une soupe sucrée, acidulée, à base de lait de coco, d’épices, de tomate, d’ananas et on peut y ajouter du poisson ou du poulet. Je l’adore ! J’aime aussi le « Num banh chok namya », une soupe de vermicelles au poisson à base de lait de coco et de curry rouge. 

Ma première fois au Cambodge date de super longtemps car j’ai commencé à y aller lorsque j’avais 14 ans, donc en 1994. C’était très difficile car le pays était très pauvre, tout était encore en ruines. C’était triste et lourd. Durant des années j’ai eu un rapport un peu difficile à ce pays car je lui en voulais d’avoir fait souffrir et tué toute ma famille. Aujourd’hui, je vous rassure, ça va beaucoup mieux. Mes parents y habitent et j’ai moi-même grandi et évolué. C’est là-bas, auprès de ma tante qui était voyante et m’a tiré les cartes pour la première fois, que j’ai compris mon lien très étroit avec la spiritualité et l’invisible. »

 

Elle nous partage un extrait de son livre Good Mood Class : 

 

« LA PETITE CAMBODGIENNE

D'origine sino-cambodgienne, mes parents ont tous

deux rejoint la France au début des années 1970 pour y

faire leurs études. À l'image de très nombreux jeunes

gens de la bourgeoisie cambodgienne, ils pensaient

rentrer au Cambodge une fois leur diplôme en poche.

Pourtant, en avril 1975, les Khmers rouges prennent le

contrôle du pays après un coup d'État et le peuple

cambodgien est pris en otage par un idéologiste

communiste surnommé Pol Pot. Le pays ferme ses

frontières, et ses terres deviennent d'immenses camps de

travail où les habitants subissent la torture. C'est l'un des

plus grands génocides : deux millions de morts sur six

millions d'habitants en quatre ans.


C'est dans ces conditions tragiques que mes parents se

rencontrent à Paris, grâce à des amis communs. Sans

nouvelles de leurs proches depuis avril 1975, ils passent

les premières années de leur vie de couple à tenter de

retrouver leurs familles ... tout en se disant qu'il existe

une probabilité qu'ils ne les revoient jamais. Sans

personne pour les aider financièrement, ils sont contraints

d'arrêter leurs études. Mon père devient chauffeur de

taxi. Ma mère, elle, est embauchée comme dactylographe

à l'encyclopédie Universalis. Tous deux n'ont qu'un but :

s'en sortir.


Lorsque le Cambodge est délivré par les Vietnamiens,

en 1979, très peu d'informations arrivent jusqu'à la porte

de Choisy où se retrouve la communauté. Depuis cinq

ans sans nouvelles de leurs familles restées au

Cambodge, mes parents décident d'arrêter d'espérer et se

font une raison : ils ont obtenu la nationalité française

dans leur pays d'adoption, ils ont tous deux une situation,

la vie continue. Il faut passer à autre chose. Ils n'ont pas

le choix, se morfondre ne les aidera pas à retrouver leurs

familles. Ils n'ont pas le droit de se plaindre : ils sont

vivants, ils ont eu la chance extraordinaire d'avoir

échappé aux camps et au génocide …


Pourtant, en 1980, alors qu'il a perdu tout espoir de

réunir un jour sa famille et celle de sa femme, mon père

apprend que sa mère et ses cinq frères et sœurs sont

vivants. C'est un véritable miracle ! Comme une bonne

nouvelle ne vient jamais seule, ce sera l'année de ma

naissance.


Mes parents quittent le Chinatown parisien pour

s'installer dans un pavillon de banlieue tout neuf, au

milieu des champs. Ici, les familles asiatiques se

comptent sur les doigts de la main. Ma mère veut à tout

prix s'intégrer : sa fille est née en France, elle sera donc

française. Je crois que très tôt j'ai pris conscience de la

dureté de la vie après toutes les horreurs que ma famille

avait vécues. Je ne comprenais pas pourquoi, moi, j'avais

la chance d'être en vie alors que toute une partie de la

famille avait disparu en ne laissant que quelques noms et

des photos en souvenirs. La vie pouvait être si injuste et

cruelle. C'est sûrement grâce ou à cause de cela que j'ai

décidé de profiter de tout et de toujours chercher le côté

positif des choses, car je savais qu'il y avait toujours plus

grave, ma famille en avait payé cher le prix, je devais les

honorer. »


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