50 ans après le génocide : le Cambodge de Grace Ly

Par Pandou Media

À travers souvenirs, cuisine et transmission, Grace Ly explore son lien intime avec le Cambodge, 50 ans après le génocide des Khmers rouges.

Grace Ly est une autrice, podcasteuse et activiste, pionnière en France sur les questions de représentation des Asiatiques. En 2018, elle publie Jeune fille modèle, un roman sur une jeune femme d’origine sino-cambodgienne en France, balotée dans sa double culture. La même année, elle lance le podcast Kiffe ta race aux côtés de Rokhaya Diallo pour explorer les questions raciales en France. 

À l’occasion des 50 ans de l’entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh, elle nous parle de son rapport au Cambodge. 

 « Le Cambodge est le pays de mes parents, arrivés en France dans les années 1970, pour fuir le génocide. Leur parcours migratoire est une histoire de survie, d’exil et d’abnégation mais aussi d’amour, de force et de reconstruction. 

Il y a un plat qui me relie instantanément à ce pays : la soupe Phnom Penh. Un plat simple, un bouillon clair, des pâtes de riz fluides, des tranches de viande, chargé d’histoire et de souvenirs. Chaque bouchée me ramène à mes racines, à cette cuisine transmise avec amour. Ma mère, quand elle avait de l’argent de poche, allait au marché central pour manger une soupe Phnom Penh. Elle nous a transmis ces saveurs et cet amour pour les bonnes choses. 

La première fois que je suis allée au Cambodge, c’était magique. J’étais en famille avec mes enfants, ma nièce, mes frère et sœur et mon père pour qui c’était aussi la première fois en plus de 40 ans, grosse émotion ! On a arpenté les rues de Phnom Penh ensemble, on a cherché les endroits où étaient les maisons de nos familles. Des lieux qui ont disparu aujourd’hui comme ce temps de leur enfance. »

 

Elle nous partage un extrait de son livre Jeune fille modèle (éd. fayard)

 

« Le jour où les Khmers Rouges sont entrés dans

Phnom Penh, je m'en souviendrai toujours ... On était

à la boutique, avec ton Oncle Cinq, près de la station

essence, sur le Quai Sisowath ... On a regardé les

soldats parader dans les rues ... On savait ... On savait

que quelque chose était en train de se passer.

- ... Vous avez fait quoi ?

- Ils nous ont dit de quitter la ville ... Ils avaient des

armes ... ils ont vidé Phnom Penh ... Alors, on est parti.

On est parti ... avec presque rien ...

- Et Ama ?

- Ta mère était avec les autres à la maison. On n'a

pas pu ... On a été séparés.

- .. Et Grand-père ?

- Il avait pris la route la veille avec son frère, ton

Grand-Oncle Kim, pour Kampong Cham, dans le

Nord-Est. Ils devaient voir un entrepôt. On n'a jamais

su ce qui est arrivé ... où ils sont allés ... où ils sont ...

Ils ont dû ... ils sont peut-être morts sur les routes ... »


PEUT-ETRE morts sur les routes ...

Les yeux d'Oncle Deux étaient mouillés.

Il filait droit sur le périph.


« ... Et ensuite ?

- Pourquoi tu as besoin de savoir tout ça ?

- Pour comprendre ... parce que vous avez tout

effacé.

- C'est la vie, c'est comme ça ... Parfois, on doit

accepter. Pour regarder en avant. Pour continuer à

vivre.

- Bah, moi, c'est le contraire. J'ai besoin de

comprendre toutes ces choses, pour continuer à vivre. »


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