L’annonce du reconfinement s’est soldée, fin octobre, d’une résurgence du racisme anti-asiatique incarné par des appels à « agresser les Chinois » sur Twitter. Certains collectifs et comptes Instagram asio-militants, créés récemment ou non, ont pris la parole.
[Illustration : Shutterstock/Sushi Illustration]
Des insultes, des menaces de mort, des appels à la violence. Sur Twitter, le racisme a resurgi envers les communautés asiatiques en France, accusées à tort d’être à l’origine de la propagation de la Covid-19. Signalés sur la plateforme Pharos, chargée de détecter les contenus en ligne illicites, ces tweets haineux sont ciblés par une enquête ouverte le 1er novembre par le parquet de Paris pour « provocation publique à commettre une atteinte à l’intégrité physique d’une personne à caractère raciste ». Depuis, au moins deux plaintes ont été déposées après des agressions, l’une à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), l’autre dans le 19e arrondissement de Paris. Le phénomène est néanmoins difficile à quantifier, d’autant plus que certaines rumeurs infondées ont aussi circulé.
Ce vendredi 6 novembre, une centaine de députés a signé une tribune dans Libération, intitulée « Victimes du virus, du racisme et de violences, soutenons nos compatriotes d’origine asiatique ». Sur les réseaux sociaux, plusieurs collectifs et comptes Instagram ont également réagi. Certains se sont même montés dans la foulée. Nous leur avons donné la parole.
Sécurité pour tous
Si vous êtes asiatiques, prenez les précautions maximales.
— 🆂🆄🅽-🅻🅰🆈 🆃🅰🅽 (@sunlaytan) October 29, 2020
Si vous n'êtes pas asiatique, veillez sur votre prochain.
Si vous êtes victimes ou simple témoin de comportements ou de propos répréhensibles, il FAUT porter plainte et/ou le signaler à une association de notre collectif.
Robert Na Champassak, du collectif Sécurité pour tous : « Le collectif s’est créé le jour de la manif du 4 septembre 2016 à Paris en réaction à la mort de Zhang Chaolin. Depuis, nous avons accompagné de nombreuses victimes d’agressions lors de procès. Nous avons instauré un dialogue régulier avec la police, les maires et les préfets en région parisienne afin que les agressions soient prises en charge rapidement. En réaction aux messages haineux, nous allons aussi lancer prochainement une plateforme d’aide aux victimes afin de les aider à porter plainte, dénoncer les propos haineux sur les réseaux sociaux via Pharos. »
Le collectif compte parmi ses membres l’association des Jeunes Chinois de France (AJCF). La lutte contre le racisme est l’un des axes majeurs de cette association culturelle qui travaille avec la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), auprès du Comité d’entente Origines du Défenseur des droits ainsi que de l’Éducation nationale pour faire de la prévention, avec notamment des interventions en milieu scolaire.
Collectif asiatique antiraciste
« Nous sommes un collectif de militant·e·s asiatiqueté·e·s qui se sont rencontré·e·s sur les réseaux sociaux à travers nos combats communs contre le racisme, avec une vision commune du racisme qui va au-delà de la haine interindividuelle, mais qui le définit surtout comme une oppression systémique et institutionnelle. Au vu des propos très violents et relayés sur tous les réseaux, nous voulions évidemment dénoncer ces propos, mais également y apporter une nuance qu’on ne voit pas toujours dans certains organismes « antiracistes » : nous avons eu peur de voir la communauté utilisée pour embraser un « racisme » et des violences intercommunautaires, qui ne seraient utiles à personne sauf les personnes fascistes. Nous tenons à être des allié·e·s de toutes les luttes antiracistes. »
Décolonisons-nous
Frank, le créateur du compte : « Le contenu de ce compte vise à nourrir une réflexion antiraciste par le décentrage et une politisation du regard, la déconstruction de tout l’héritage colonial raciste encore à l’œuvre dans notre société dite postcoloniale majoritairement blanche. J’ai republié le communiqué du Collectif asiatique antiraciste parce que l’esprit du communiqué correspond à ma ligne éditoriale prônant les solidarités à travers des collaborations ponctuelles ou plus ou moins continues ; et surtout parce que la lutte contre le racisme envers les communautés perçues comme asiatiques occupe trop peu d’espace médiatique mainstream. Ces appels peuvent paraître anodins mais ils sont très dangereux, la réalité nous l’a confirmé : il y a eu dès le lendemain des passages à l’acte tels que des agressions et des insultes. »
Stop à l'Asiaphobie
Fanny, la créatrice du compte : « Ce compte consiste à donner la parole aux personnes d’origine asiatique qui subissent du racisme. Ces derniers jours, on m’a envoyé des captures d’écran d’incitations à la violence envers les Asiatiques sur Twitter. Je les ai relayées dans une publication tout en partageant le message d’alerte de l’AJCF pour prévenir du danger. J’ai vu énormément de monde se mobiliser. Cet élan de solidarité m’a touchée : je me suis dit que nous sommes écoutés et soutenus en tant qu’Asiatiques, ce qui n’a pas toujours été le cas. J’ai reçu beaucoup de témoignages très violents de personnes qui se sont fait agresser ou insulter. C’est très difficile psychologiquement car la période est déjà compliquée et quand on est asiatique, ça nous ajoute une peur, non seulement pour nous mais aussi pour notre famille et amis. »
Sororasie
@sororasie : « Sororasie est un réseau d'entraide de femmes et minorités de genre asiatiques. Le but est de créer un espace safe pour amplifier nos voix et créer davantage de représentation plus inclusive et plus juste #forusbyus. Il a été crée le 17 avril 2020 [sous le nom YelloWomen, NDLR] en réponse à plusieurs expériences personnelles : invisibilisation des personnes asiatiques dans des colloques féministes et en réponse à ce que subissaient les personnes asiatiques partout dans le monde suite à l'annonce du Covid, et auxquels j'ai dû faire face également fin mars 2020. On note de vraies victoires contre le racisme systémique et structurel qu'on se doit de faire résonner en partageant pour marquer davantage les esprits. Les réseaux sociaux proposent une vraie démocratie désormais, la parole est libre de circuler qui que vous soyez. »