Koya Kamura raconte Hiver à Sokcho, entre identité et silence

Par Pandou Media

Koya Kamura adapte Hiver à Sokcho, un récit intime où identité et solitude s’entrelacent dans le décor hivernal de la Corée du Sud.

Dans son adaptation cinématographique d’Hiver à Sokcho, sortie le 8 janvier, le réalisateur franco-japonais Koya Kamura plonge dans l’univers délicat d’Elisa Shua Dusapin. À travers le personnage de Soo-Ha, une jeune femme franco-coréenne confrontée aux silences de son passé, et Yan Kerrand, un dessinateur français énigmatique, Koya Kamura tisse un récit où le poids des non-dits rencontre la poésie des paysages hivernaux de Sokcho. Pour le réalisateur, cette adaptation s’est imposée comme une évidence. 

 

Affiche du film Hiver à Sokcho de Koya Kamura.

 

Comment avez-vous eu l’idée d’adapter le roman ?
Le livre est arrivé un peu par hasard. Je travaillais sur un autre film qui s’appelle Évaporés. Les  « évaporés », c’est un phénomène japonais de disparition volontaire qui existe depuis les années 1970 où des gens quittent leur vie du jour au lendemain, disparaissent complètement et on ne les voit plus plus jamais. Je m’enlisais un petit peu dans l’écriture de ce projet et le producteur de mon premier court-métrage m’a conseillé de lire Hiver à Sokcho, le roman d’Elisa Shua Dusapin. Je l’ai lu un peu par politesse au début et, à la lecture du roman, j’ai été scotché par cette jeune femme qui a grandi sans son père, qui ne l’a jamais connu, et j’ai retrouvé une espèce de contre-chant à l’évaporation, comme si ça me montrait ceux qui restent. Pareil pour le personnage de Kerrand, interprété par Roschdy Zem dans le film, dont on ne connaît rien de la vie, comme s’il venait de s’évaporer et d’arriver en Corée du Sud

 

Extrait du film Hiver à Sokcho de Koya Kamura. Photo : OFFSHORE

 

Qu’avez-vous ressenti à la lecture du roman ?
J’avais l’impression que le roman avait été écrit pour moi, d’être connecté au personnage. C’est assez rare parce qu’il y a assez peu de représentation de métisses dans le cinéma ou les séries. Et puis il y a aussi l’arène du livre qui se passe à Sokcho, une petite ville balnéaire au nord de la Corée du Sud, qui est bondée en été et complètement vidée de ses touristes en hiver. Elle devient alors paralysée, comme à l’abandon, et visuellement ce sont des images qui me touchent. 

 

« J’ai l’impression d’être au bon endroit au bon moment. Et je ne vais pas me gêner pour prendre cette place là. »

 

Le métissage est au cœur de ce projet. Pourquoi est-ce important ? 
En tant que Franco-japonais, j’ai grandi en France, je suis né en France, mais toute ma vie j’étais « asiatique », « chinois », pas forcément japonais ou on me demandait même si je venais d’Amérique du Sud. Je ne me suis jamais vraiment senti Français en France. Et lorsque je suis allé vivre au Japon beaucoup plus tard, à l’université,  je me suis rendu compte que je n’étais pas du tout japonais non plus. J’ai toujours ressenti que je n’étais ni français ni japonais quelque part. Et ça, je le retrouve dans le personnage de Soo-ha, qui est interprété par Bella Kim. C’est cette sensation de ne pas appartenir à son environnement et là où l’on est. Lorsque j’ai tourné un court-métrage au Japon, il y a quelques années, les régisseurs japonais me disaient : « Toi tu as le gaijin power, le pouvoir de l’étranger, parce que tu peux demander tout ce que tu veux, ce sera pas mal pris ». Si j’avais été Japonais, je n’aurais pas pu faire ces demandes. Je sais qu’en France aujourd’hui les histoires asiatiques sont plus recherchées qu’auparavant et j’ai l’impression d’être au bon endroit au bon moment. Et je ne vais pas me gêner pour prendre cette place là. 

Comment avez-vous trouvé la comédienne qui interprète le personnage principal ? 
J’avais un profil assez précis en tête : je voulais qu’elle parle parfaitement coréen et très bien français, idéalement qu’elle soit franco-coréenne et qu’elle soit très grande aussi. Pour deux raisons : je voulais qu’elle soit mal dans son corps, trop grand pour l’environnement dans lequel elle vit, et qu’elle soit presque aussi grande que Roschdy [Zem] de manière à annuler complètement le rapport de domination entre cet occidental de 50 ans qui arrive encore en Corée du Sud et cette jeune femme asiatique. Bella Kim, qui n’était pas comédienne, est venue au casting et m’a bluffé par sa compréhension du rôle et ses questions.


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